Sur les sommets d’une ville balnéaire perdurent deux édifices majeurs dont les destins sont étroitement liés : un funiculaire et un observatoire.
Nous avons pas mal vadrouillé avec mon grand frère pour trouver des lieux sympa à filmer en drone. Bien évidemment, prendre de la hauteur, c’est souvent l’opportunité d’avoir de beaux panoramas. Un des plus beaux points de vue est celui de l’observatoire.
L’histoire de l’observatoire
Erigé en 1925, l’Observatoire offre un panorama unique sur la baie et les criques des villes voisines. Un lieu prisé pour les amoureux de belles vues et de coucher de soleil. Il est construit à l’emplacement d’un futur hôtel de luxe qui ne verra jamais le jour.
Les origines
La Société immobilière de Paris et du littoral a le projet de réaliser un lotissement. Elle fait réaliser en 1926, un château d’eau d’inspiration gothique, complété par un réseau de distribution devant approvisionner les futures résidences en eau potable.
Pour amortir les coûts des travaux du lotissement, la société a un projet ambitieux : un hôtel de luxe, sur le sommet le plus élevé des montagnes entourant la ville, relié par un funiculaire pour faciliter son accès et un belvédère proche du château d’eau, destiné à recevoir salon de thé, boutiques, bureau de vente et logement de fonction.
La tour d’observation et le funiculaire
Le funiculaire, d’une longueur de 850 mètres, permet de désenclaver la colline en offrant un accès simplifié, et développe les habitations sur la colline, jouissant d’une vue panoramique sur la mer.
Sur l’emplacement du Grand Hôtel , surplombant la ville à 233 mètres — entre la gare d’arrivée du futur funiculaire et le château d’eau — une tour d’observation temporaire en bois est construite en 1925. Le provisoire durera 30 ans…
En 1953, la tour en bois est finalement remplacée par un nouvel édifice. L’accès à la terrasse se fait par un ascenseur installé à l’extérieur, face à la mer, offre durant la montée, une vue panoramique.

L’Auberge et restaurant
En 1939, la Société hôtelière commande à l’architecte René Livieri un projet de restaurant pour accueillir les touristes montés par le funiculaire visiter l’observatoire.
Une première proposition est rejetée. Finalement, le bâtiment prendra vie dans un style moderniste : une demi-rotonde ouvrant sur une vaste terrasse, un premier étage entouré d’un balcon circulaire aux larges baies vitrées, et surmonté d’un deuxième étage en retrait : le restaurant Constellation est né.
L’abandon du projet
Le projet est abandonné après le décès de l’architecte en 1928. La Société s’endette. Les projets de Belvédèreet le Grand Hôtel de luxe n’aboutiront jamais. La Société renonce aux travaux et revend les terrains.
Subsistent tour d’observation et l’auberge -restaurant.
Le funiculaire qui amenait les visiteurs et client du restaurant est resté en service 40 ans. Avec l’arrêt de son exploitation en 1966, l’observatoire n’est finalement plus fréquenté et finit par être désaffecté en 1986.
L’ensemble des 24 000m2 de terrains est acquis en 1989, par la famille d’un émir d’Abou Dabi, projettant d’y construire une villa. Le permis de construire est validé en 1993, puis annulé en 1994. Le site est depuis, laissé à l’abandon.
L’observatoire est inscrit depuis 2001 à l’inventaire général du patrimoine culturel au titre du recensement du patrimoine balnéaire.
Qu’est ce que l’urbex ?
L’Urbex, exploration urbaine – l’abrégé de Urban Exploration en anglais – est une activité qui consiste à visiter des lieux souvent privés désaffectés, laissés à l’abandon. L’Urbex est une activité clandestine, prohibée par quelques décrets. Mais car cela peut parfois être dangereux, car l’on ne sait jamais dans quel état sont les bâtiments. Cela enfrein également un lieu souvent privé, et donc une violation de propriété privée. Vous êtes prévenus. La règle en Urbex est de visiter, aucune dégradation, aucun vol. En gros : on respecte le lieu et on le quitte dans l’état où on l’a trouvé.
J’ai été désolée de trouver à l’observatoire beaucoup de dégradations. Boire une bière au coucher du soleil, c’est un super spot. Mais pourquoi éclater les bouteilles au sol ensuite ?
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les lieux aux histoires étranges. Et j’ai toujours été très curieuse : bunkers, maisons abandonnées ou dont la construction fût arrêtée, cimetières… J’aime imaginer les histoires d’un passé qui n’est pas le mien. Et puis il faut avouer que braver l’interdit a toujours quelque chose de grisant…
Pour l’observatoire, son passé est un peu lié au mien. J’apprendrai que nos parents échangeaient sur les prénoms qu’ils allaient me donner, tout en montant à pied à l’Observatoire lorsque ma mère était enceinte. Je ne sais pas comment notre mère a pu grimper une pente aussi raide ! En revanche, je sais maintenant de qui je tiens le côté aventurier ;-)
Je me souviens petite y avoir été. Des bribes de souvenirs, bien-sûr, mais la vue à couper le souffle perdure. J’entends encore les « par temps clair, on peut voir jusqu’à la Corse et l’Italie ». Pour moi, cela me semblait le bout du monde.
Alors cet Observatoire, comme de nombreux habitants, j’y suis attachée. Et j’espère qu’un jour, un vrai projet de réhabilitation sera réalisé. C’est une merveille pour l’histoire de la ville et de son architecture, et la ville de Cannes tient un vrai potentiel d’intérêt complémentaire — loin des paillettes de la French Riviera.
Attention, visiter un lieu fermé au public est interdit. Je n’incite ici personne à faire comme moi. C’est la raison pour laquelle je ne divulgue pas l’adresse exacte du lieu.